les textes apocryphes et gnostiques

Sources : Ecrits apocryphes et gnostiques chrétiens (Ed. la Pléiade) ; introductions tirées de Jésus et Marie-Madeleine, Roland Hureaux.

PLAN

1. Textes apocryphes chrétiens

Evangile de Pierre
Vie de Jésus en arabe
Epitre des Apôtres
Livre de la Résurrection de Jésus-Christ par l’Apôtre Barthélémy
Evangile de Nicodème (Actes de Pilate)
Actes de Pilate
Actes de Thadée
Homélie sur la vie de Jésus et son amour pour les Apôtres
Livre du Coq (de Béthanie)

2. Textes gnostiques

Pistis Sophia
Evangile selon Marie (-Madeleine)

3. Bibliothèque copte de Nag Hammadi

Evangile selon Thomas
Evangile selon Philippe
Sagesse de Jésus-Christ et Dialogue du Sauveur

Introduction

Pour compléter leur information sur le personnage de Marie-Madeleine, beaucoup sont tentés de se tourner vers les écrits chrétiens dits « apocryphes », évangiles, épîtres ou autres textes anciens qui n’ont pas été repris par l’Eglise dans ce qu’on appelle le « canon » des Ecritures, tel qu’il fut à peu près fixé par l’Eglise au temps du pape Damase (366-384). Aussi ne les trouve-t-on pas dans la Bible communément utili­sée aujourd’hui.

Les Evangiles apocryphes, dont la plupart ont été inspirés par les courants dits gnostiques, ont souvent excité l’imagination. Beaucoup se sont figuré qu’ils contenaient des révélations cachées que les manipulations de l’Eglise officielle auraient voulu dérober à la mémoire. On croit volontiers aujourd’hui que des écrits non officiels nous en apprendront plus sur ce qui s’est vraiment passé que ceux qui ont été consacrés par la tradition de l’Eglise. Le personnage étrange de Marie-Madeleine se prête à ce genre de spéculations. Il faut pourtant le dire : penser cela, c’est s’exposer à une vive déconvenue.

D’abord parce que la lecture des apocryphes, qui n’ont aujourd’hui aucun caractère secret puisqu’on les trouve dans d’excellentes éditions, est généralement décevante. Contrastant avec la sobriété des Evangiles de Matthieu, Marc, Luc et Jean, leurs récits possèdent un caractère fantaisiste ou merveilleux évident, tel celui-ci, tiré de la Vie de Jésus en arabe.

Contrairement à l’opinion de ceux qui se figurent l’Eglise comme une manipulatrice soucieuse de cacher quelque enseignement secret, les textes choisis par la tradition chrétienne, même si on ne leur confère pas entièrement une valeur historique, sont de loin les plus intéressants. Sauf peut-être l’Evangile de saint Jean qui pourrait avoir été rédigé par l’apôtre vieillissant ou un de ses disciples entre 80 et 100, tous les autres textes du Nouveau Testament ont été écrits dans les cinquante années qui ont suivi la mort du Christ. Les documents les plus sophistiqués, les épîtres de saint Paul, sont aussi, curieusement, ceux qui passent pour les plus anciens (vers 48-60), puis viennent les Evangiles, dits synoptiques, de Matthieu, Marc et Luc et les Actes des Apôtres (entre 60 et 80)… Les Apocryphes au contraire sont tous postérieurs à l’an 100. Une partie date du 2ème siècle, les autres s’étalent jusqu’au 5ème siècle.

Non seulement les textes retenus par l’Eglise catholique – comme par les Eglises protestantes – sont les plus anciens, mais ils sont ceux qui, à la lecture, ont, de loin, l’accent le plus vraisemblable, voire véridique. Ajoutons les discordances entre les Evangiles, qui contribuent aussi, par effet de croisement, à conforter la vraisemblance. D’une part, ces divergences ne révèlent pas de discordance chronologique ni événementielle majeure. D’autre part, s’il y avait eu manipulation de l’Eglise, celle-ci se serait attachée à les gommer. Sur le plan de la qualité du récit, non seulement les apocryphes viennent loin derrière, mais leur lecture donne, pour la plupart, le sentiment qu’il s’agit de produits de l’imagination.

L’autre déception réservée par les Apocryphes est qu’ils parlent en définitive assez peu de Marie-Madeleine.


Evangile de Pierre : fragment découvert en Haute-Egypte en 1886 et conservé au Caire ; son existence est néanmoins attestée dès la fin du 2e s. (Sérapion évêque d’Antioche). Cet évangile tronqué, assez proche de l’Evangile selon Matthieu, commence au milieu du procès de Jésus et se termine brutalement en Galilée, juste avant son apparition au lac. L’apôtre Pierre s’exprime à la première personne et son texte se distingue de celui de Matthieu par plusieurs particularités : les évènements sont présentés comme des accomplissements de l’Ecriture qui font ressortir la responsabilité des Juifs (notamment celle d’Hérode) et soulignent la réalité de la Résurrection dont furent témoins ceux qui gardaient le tombeau. L’évangile recourt parfois au merveilleux (élévation du Seigneur quittant son tombeau et s’en retournant au ciel ; la croix elle-même est associée à cette glorification). Il semble que ce texte ait été composé en grec au sein d’une communauté judéo-chrétienne de Syrie (d’après Sérapion). Cet évangile est mentionné par Origène, Eusèbe de Césarée et quelques autres.

1. Textes apocryphes chrétiens

Aucun proche de Jésus n’est présent au Calvaire hormis les soldats et Joseph présent lors de la déposition de croix et l’ensevelissement du corps. Marie-Madeleine, disciple du Seigneur, n’entre en scène que le dimanche :

(50) Le dimanche au petit matin, Marie-Madeleine, disciple du Seigneur – effrayée à cause des Juifs qui étaient enflammés de colère, elle n’avait pas fait au tombeau du Seigneur ce que les femmes ont coutume de faire pour les morts qu’elles aiment – (51) prit avec elle ses amies et se rendit au sépulcre où il avait été déposé. (52) Et elles craignaient d’être vues par les Juifs et disaient :  » Bien que le jour où il a été crucifié nous n’ayons pas pu pleurer et nous frapper la poitrine, qu’au moins maintenant nous le fassions à son tombeau. (53) Mais qui donc roulera pour nous la pierre placée contre la porte du sépulcre afin que, une fois entrées, nous nous asseyions auprès de lui et que nous fassions ce que de droit ? (54) Car elle était grande cette pierre ; Et nous craignons qu’on ne nous voie. Même si nous ne pouvons pas entrer, jetons au moins à la porte ce que nous apportons en mémoire de lui, pleurons et frappons-nous la poitrine jusqu’à notre retour à la maison ». (55) Et, s’en étant allées, elles trouvèrent le tombeau ouvert et, s’étant approchées, elles se penchèrent pour y regarder, et elles virent là, assis au milieu du tombeau, un jeune homme beau et revêtu d’une robe resplendissante qui leur dit : (56) « Pourquoi êtes-vous venues ? Qui cherchez-vous ? Ne serait-ce pas celui qui a été crucifié ? Il est ressuscité et s’en est allé. Si vous ne croyez pas, penchez-vous et voyez la place où il était déposé : il n’y est pas. En effet, il est ressuscité et il est allé là d’où il avait été envoyé ». (57) Alors les femmes, effrayées, s’enfuirent.


Marie et Jésus, ancienne miniature perse

Vie de Jésus en arabe, ou Evangile de l’enfance en arabe mais dont le titre est inadapté (traite peu de l’enfance de Jésus). Ce texte, dont l’exemplaire le mieux conservé a été découvert en Turquie, est une compilation provenant de plusieurs sources. Il est sans doute issu d’un fonds syriaque nestorien (importance accordée à l’histoire des Mages et à la prophétie de Zoroastre notamment) mais la haute position réservée à la Vierge Marie s’accorde mal avec la doctrine nestorienne. Des adaptations égyptiennes et jacobites s’y sont ajoutées (passage de la Sainte famille à Matarich et à Menphis). Pour le lire en ligne: ici

La vieille juive qui procéda à la circoncision (7, 1), dont le fils était apothicaire, prit le prépuce et le mit dans un flacon d’onguent de nard précieux. Elle vint vers celui-ci et lui dit (7,2) : « Gardes toi de vendre ce flacon, même si l’on t’en donnait trois cents dinars ». Ce flacon est celui qu’acheta Marie la pécheresse et qu’elle versa sur la tête de Jésus.

Epître des Apôtres: Apocryphe du 2e s originaire de Syrie semble-t-il, conservé par l’Eglise éthiopienne hormis quelques fragments en latin découverts en Afrique du nord. A part l’introduction, le texte n’a rien d’une épitre ; il s’agit d’un long dialogue entre Jésus et ses apôtres portant notamment sur sa préexistence, son incarnation, sa descente aux enfers et la parousie. Il précise la mission confiée aux apôtres et leur livre ses dernières recommandations ; il leur annonce aussi leur prochaine rencontre avec Paul.

Le dimanche de Pâques, voici que les femmes s’approchèrent du sépulcre (50, 6) : Marie mère de Jésus, Marie la mère de Cléophas, Marie la sœur de Lazare, Marie épouse de Joseph avant Marie mère de Jésus (sic), Marie mère des deux fils de Zébédée Jacques et Jean, et Farousa sœur de Marie mère de Jean le Mineur. Quand Jésus les vit (50, 7), il alla à leur rencontre ; elles crurent que c’était le jardinier et dirent :  » Seigneur, qu’ont fait de Jésus ceux qui le gardaient ? » Jésus leur répondit : » Que la paix soit avec vous. Ne craignez point : je suis Jésus ; je suis ressuscité d’entre les morts comme je vous l’avais promis. Allez et dites à mes frères et à mes disciples qu’ils se rendent en Galilée où je les précèderai et où ils me verront tous. » Ces femmes (50, 8) retournèrent joyeuses vers les disciples, se réjouissant et riant. Lorsque les gardes constatèrent cela et virent et entendirent les paroles de Jésus à ces femmes, ils abandonnèrent la tombe et rentrèrent en ville, remplis d’étonnement et disant : « Ce Jésus fils de Marie est le Messie que l’univers attend ».

Plus tard, les femmes revirent Jésus avec les disciples en Galilée (52, 1) à l’endroit qu’il leur avait indiqué, ainsi qu’au Mont des Oliviers (53,1) lors de l’Ascension.

Après la descente de la croix et l’ensevelissement en un lieu nommé Qâranjo (9), trois femmes Sara, Marthe, et Marie de Magdala sont allées apporter des aromates afin d’en imprégner son corps, pleurant et se lamentant de ce qui était arrivé. Alors qu’elles approchaient de la tombe, elles trouvèrent la pierre à l’endroit où on l’avait roulée depuis la tombe ; elles ouvrirent la porte, mais ne trouvèrent pas le corps. Tandis qu’elles se lamentaient et pleuraient (10), le Seigneur leur apparut et leur dit :

« Ne pleurez pas, c’est moi qui suis celui que vous cherchez ! Que l’une de vous aille vers vos frères et leur dise ; » Venez, le Maître est ressuscité des morts !  » Marie vint vers nous (les apôtres) et nous informa. Mais nous lui avons dit : « Qu’y-a-t-il entre nous et toi, ô femme ? Celui qui est mort a été enseveli, peut-il donc vivre ? » Et nous ne l’avons pas crue quand elle affirmait que notre Sauveur était ressuscité des morts. Elle s’en retourna alors vers le Seigneur et lui dit : « Aucun d’entre eux ne m’a crue quant à ta résurrection ». Sara vint et nous raconta la même chose, mais nous l’avons accusée de mensonge. Elle s’en retourna vers notre Seigneur, et lui parla comme Marie. Le Seigneur alors dit à Marie et à ses sœurs (11) : « Nous-mêmes allons vers eux !  » Et il vint et nous trouva tandis que nous nous voilions la face. Et nous avons douté, et nous n’avons pas cru que c’était lui. Il nous apparut comme un spectre, etc… Jésus leur reproche alors leur peu de foi, et à Pierre, de l’avoir renié trois fois.

Il n’est plus question par la suite de Marie-Madeleine ni des Saintes femmes. L’Epitre des Apôtres est l’un des rares documents où l’on parle de Sara, débarquée plus tard en Camargue avec les Saintes femmes…


l’apôtre Barthélemy

Livre de la Résurrection de Jésus-Christ par l’Apôtre Barthélémy (-Nathanaël). Ce livre s’apparente à un autre apocryphe : les questions de Barthélémy en latin des 7e ou 8e s. Le cadre narratif est emprunté aux récits canoniques de la Passion et de la Résurrection, depuis le dernier repas de Jésus jusqu’au départ en mission des Apôtres après l’Ascension. Diverses amplifications développent des paroles prononcées par Jésus mais le texte s’éloigne sensiblement des Evangiles afin de donner la première place à la Vierge Marie et s’embrouille passablement dans les noms (certaines versions plus récentes ont été corrigées) ; ce livre ne remonte pas au-delà du 5e s.

Le dimanche matin (8, 1), alors qu’il faisait encore sombre, les Saintes femmes sortirent pour aller au tombeau : Marie de Magdala et Marie de Jacques, celle qu’il avait sauvée des mains de Satan, et Salomé la tentatrice et Marie, celle qui sert, et Marthe sa sœur, et Suzanne la femme de Chouza l’intendant d’Hérode qui s’était éloigné du lit conjugal, et Bérénice, celle dont l’écoulement de sang avait cessé à Capharnaüm, et Lia la veuve, celle dont Dieu avait ressuscité le fils d’entre les morts, et la femme pécheresse à qui le Sauveur avait dit « Tes très nombreux péchés te sont pardonnés, va en paix ! ». Elles se tenaient dans le jardin de Philogène le jardinier, celui dont le Sauveur avait guéri le fils Simon au moment où il descendait de la montagne des Oliviers avec tous ses Apôtres.

Suit alors (8, 2) un dialogue entre Marie (mère de Jésus) et Philogène qui rapporte les circonstances de la mise au tombeau. Outre l’armée des anges, chérubins et séraphins venus par milliers et par myriades, la Vierge était présente, debout et resplendissante sur un char de feu, chantant des hymnes dans la langue des séraphins. Dans ce texte, elle joue alors le rôle de Marie-Madeleine pourtant ancien et bien attesté dans l’Eglise copte.

C’est ainsi (9,1) que le Sauveur apparut, monté sur le grand char du Père de l’Univers et qu’il s’adressa à Marie (9,2) : « Salut ma mère ! Salut mon arche sainte ! Salut toi qui as porté la vie du monde entier ! Salut mon vêtement saint, dont je me suis enveloppé ! Salut mon vase d’eau, plein et saint ! Salut ma mère, ma maison, ma demeure, les sept éons en une créature unique. Salut ô ma mère, la tablette assignée au Paradis du 7e ciel »…

C’est à sa mère aussi que Jésus confie la mission d’aller prévenir les Apôtres (9, 3) :

« O ma mère, lève-toi et va dire à mes frères que je suis ressuscité d’entre les morts ; dis-leur : « j’irai vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu et vers mon Seigneur qui est votre Seigneur »…

Et plus loin encore (11, 2) Pierre interpelle la Vierge :

 » ô Marie… tu es aussi la première à qui il est apparu alors qu’il allait se rendre vers le Père. O bienheureux ventre qui t’a portée jusqu’à ce que tu enfantes pour nous le roi de gloire. »

Jésus apparut encore aux apôtres et à Marie en Galilée mais à aucun moment Marie-Madeleine et les Saintes femmes ne sont citées.

Nota : l’une des versions les plus anciennes démarre par l’épisode du coq cuisiné par Matthias, ressuscité par Jésus au cours d’un repas pris avec ses disciples. Matthias dit à Jésus : « Rabbi, tu vois ce coq. Quand les Juifs m’ont vu alors que je m’apprêtais à le tuer, ils m’ont dit : « le sang de votre maître sera versé comme celui de ce coq ». Et Jésus répondit : « O Matthias, la parole qu’ils ont prononcée se réalisera ». (cf : le Livre du Coq ci-dessous).

Evangile de Nicodème (Actes de Pilate) : sans doute le plus connu, date du IVe s. Maintes fois transformé, amplifié ou abrégé, ce texte narre la Passion et la Résurrection du Christ ; il reste, dans l’ensemble, assez proche du Nouveau Testament. L’intervention de Procla (4,1), la femme de Pilate, ainsi que celle de Nicodème (5,1-2 et 6,1) y sont largement développées. Celles de Marie-Madeleine et des Saintes femmes sont originales sur plusieurs points : sur le chemin du Calvaire (10.1, 2a), des femmes accompagnaient aussi Jésus : Marthe, Marie-Madeleine, Salomé, ainsi que d’autres vierges…, (10.1, 2b) Elles se mirent en cercle autour de la mère de Dieu en pleurant lorsque celle-ci s’évanouit après que Jean lui eut montré son fils, les mains liées, portant la couronne d’épine. Après avoir recouvré ses esprits, s’être relevée et la voyant se lamenter et crier (10.1, 2c), les Juifs la chassèrent du chemin. Elle fut une nouvelle fois chassée (10.1, 4) lorsqu’en présence des Saintes femmes, du haut de sa croix, Jésus confiait sa mère à la garde de Jean. Pour l’ensevelissement (11.3, 2a), Nicodème acheta cent livres d’onguents et un tombeau neuf, puis se fit aider de la Vierge, de Marie-Madeleine et de Salomé, ainsi que de Jean, Joseph d’Arimathie et d’autres femmes, pour préparer le corps dans un linge blanc comme c’était la coutume et le déposèrent dans le tombeau. Marie-Madeleine disait en pleurant (11.3, 2c) :

« Ecoutez, peuples, tribus et langues ! Apprenez à quelle mort les Juifs iniques ont livré celui qui a accompli pour eux d’innombrables bienfaits. Ecoutez et soyez-en étonnés ! Qui fera entendre tout cela au monde entier ? Moi, je me rendrai seule à Rome auprès de César. Moi, je lui révélerai tout le mal que Pilate a fait en se laissant persuader par les Juifs iniques ! (*) ».

Ainsi se lamentaient (11.3, 2e) aussi Jean et les femmes. Ensuite Joseph avec Nicodème rentrèrent chez eux. La Mère de Dieu ainsi que les femmes en firent autant, et Jean également étaient présent avec elles.

Le dimanche matin (13.2), l’un des soldats gardiens de la tombe vint relater à la synagogue ce qu’il avait entendu et vu : « Il y a eu d’abord un tremblement de terre ; ensuite un ange du Seigneur porteur d’éclair est venu du ciel, a roulé la pierre loin du tombeau et s’est assis sur elle ; du fait de la peur qu’il provoqua, nous tous les soldats, nous sommes devenus comme morts et nous ne pouvions ni fuir ni parler. Et nous avons entendu l’ange dire aux femmes qui étaient venues là pour voir la tombe : « Vous, ne craignez rien, car je sais que vous cherchez Jésus. Il n’est pas ici, mais il est ressuscité comme il vous l’avait dit à l’avance. Penchez-vous et regardez la tombe où gisait son corps. Allez dire à ses disciples qu’il est ressuscité des morts et qu’ils partent en Galilée car c’est là qu’ils le trouveront… » (13.3) Les Juifs demandèrent aux soldats qui étaient ces femmes et pourquoi ils ne les avaient pas arrêtées. Ils répondirent : « Par peur et à la seule vue de l’ange, nous ne pouvions ni parler ni bouger ».

(*) cf. François Halkin : « Une Vie Grecque de sainte Marie-Madeleine » rapportant le voyage de Marie-Madeleine à Rome afin de dénoncer Pilate à Tibère.

Pilate présente Jésus à la foule lors de son procès

Actes de Pilate : Le « cycle de Pilate » concerne plusieurs documents dont un Rapport qu’il fait à Tibère, la Réponse de l’Empereur, la Comparution de Pilate à Rome, la Mort de ce dernier et quelques autres textes encore. Marie-Madeleine et les Saintes femmes y sont à peine évoquées ou en leur substituant une autre identité. Ainsi, dans La Vengeance du Sauveur, qui insère des fragments de l’histoire romaine dans la « fresque chrétienne », un dialogue entre Volusien (envoyé par Tibère à Jérusalem) évoque l’épisode de la pécheresse pardonnée dans lequel Véronique (l’ancienne hémorroïsse qui, pendant la Passion, avait essuyé la face de Jésus et dont le linge avait conservé la trace de son visage) se substitue à Marie-Madeleine.

Réponse de Tibère à Pilate :

(2) « …Moi qui ai entendu parler de lui (Jésus) par ouï-dire, j’ai l’âme bouleversée et les entrailles brisées. En effet, une femme est venue auprès de moi, qui s’est présentée comme sa disciple – c’est Marie-Madeleine, de laquelle on atteste qu’il a expulsé sept démons ; elle atteste qu’il a accompli de très grandes guérisons : il a fait voir des aveugles, marcher des boiteux, entendre des sourds ; il a purifié des lépreux ; en un mot, comme elle-même l’attestait, il accomplissait les guérisons par sa seule parole. » (3)  » Comment as-tu permis qu’il soit crucifié sans raison ?… »

Actes de Thadée : Texte du 7e s de source syriaque relatant la vie du 10e Apôtre, notamment la relation épistolaire de Jésus avec le roi Abgar et l’envoi de l’Apôtre à Edesse. Thadée mentionne les personnes ayant vu Jésus ressuscité : (6, 12) « Mais le 3e jour avant l’aube, il se leva, laissant ses vêtements mortuaires dans la tombe. (6, 12) Il a été vu en premier lieu par sa mère et par d’autres femmes ; et par Pierre et Jean, les premiers de mes condisciples (6, 13) et ensuite aussi par nous, les douze, qui avons mangé et bu avec lui pendant de nombreux jours après qu’il fut ressuscité des morts… ». Marie-Madeleine n’est jamais citée.

Epitre du Pseudo-Tite : Issu d’un fonds remontant probablement au 8e s, cette pièce étrange est entremêlée de faits fabuleux empruntés à plusieurs apocryphes. Au détour d’un propos sur les hommes qui n’ont pas à prendre de femmes à leur service, Tite se réfère à Marie-Madeleine :

(9, 17) « Ecoute cette parole qui te contredit ; considère que dans l’Evangile le Seigneur déclare à Marie : « ne va pas me toucher, dit-il, en effet je ne suis pas encore monté auprès de mon père » (9, 18) O témoignages divins qui ont été rédigés pour nous ! »

Homélie sur la vie de Jésus et son amour pour les Apôtres : Cette homélie semble appartenir au cycle d’Evode de Rome considéré par les coptes comme le successeur de saint Pierre sur le siège de Rome. L’auteur y évoque (6, 1-8) longuement la résurrection de Lazare et les commentaires que fit ensuite Jésus à Didyme-Thomas. L’homélie ne s’écarte pas des textes canoniques pour ce qui concerne les faits et les dialogues essentiels mais le contexte est différent. Thomas, éternel douteur, demande à Jésus des preuves de sa capacité à ressusciter les morts !

Les dialogues avec Marthe et Marie suivent à peu près ceux de l’Evangile mais cherchent surtout à vaincre l’incrédulité de Thomas :

Après tout cela (6,1) il arriva non loin de la tombe de Lazare, et la sœur de celui-ci vint à sa rencontre en ce lieu. Elle lui dit :  » Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort car tu es la résurrection qui relève les morts ; je te connais depuis ta petite enfance (sic), avec mon frère Lazare.  » Jésus lui dit : « Crois-tu que je suis la résurrection qui relève les morts et la vie de tout être ?  » Marthe lui dit : « Seigneur, je crois ». Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » (6,2) Ensuite, tandis qu’ils échangeaient ces paroles, voici que Marthe, Marie et Jésus arrivèrent à la tombe de Lazare. Jésus marchait devant ses apôtres et il dit à Thomas : »enlève la pierre qui est là et vois afin de témoigner de la manière dont le mort va ressusciter. » (6,3) Alors, Thomas pleura devant Jésus en disant :  » Si tu as éprouvé ce tourment et que tu es venu au tombeau d’un mort à cause de mon incrédulité, puisse ta volonté s’accomplir sur moi et que ce tombeau me reçoive jusqu’au jour de ta résurrection. Jésus demande ensuite à Thomas d’ôter la pierre qui ferme le tombeau.

Se tournant alors devant Marie (6,6) Jésus lui dit : « Crois-tu que ton frère ressuscitera ? » Elle lui dit : » Oui, Seigneur, je crois. Il sent déjà puisque c’est le 4e jour qu’il est mort, mais je crois que tout t’es possible. » Puis à l’adresse de Thomas et des deux sœurs, Jésus dit :  » Viens ô Thomas, mets ta foi en moi, car tout est possible pour moi. Marthe et Marie, affermissez votre cœur. Aie davantage de foi que Marie et Marthe qui me rendent témoignage en disant : « Tout t’es possible ».

Livre du Coq (de Béthanie). Récit apocryphe de la Passion largement diffusé dans les chrétientés monophysites d’Afrique et, encore aujourd’hui, quasi-canonique au sein de l’Eglise éthiopienne (coupée pendant presque mille ans de toute influence extérieure). Le texte est relativement récent mais puise ses sources dans les récits évangéliques canoniques et dans les traditions apocryphes ou légendaires parmi lesquelles figure celle du coq cuisiné, ressuscité par Jésus au cours du repas pascal célébré à Béthanie chez Simon le lépreux et son épouse Akrosenna (épisode qui donne son titre à l’ouvrage). (2, 1-9) : … sur le chemin qui mène à Béthanie, là où il avait ressuscité Eléazar, Jésus-Christ dit à Pierre, Jacques et Jean : « allez et entrez dans cette ville et vous y trouverez un homme qui porte une cruche d’eau et qui s’appelle Simon… » C’est ce jour-là également, durant la dernière Cène de Jésus chez Simon, qu’est intégrée l’onction de la Pécheresse (3, 1-8), ici fusionnée avec celle de Béthanie, dont le nom n’est jamais cité. Le dimanche (10, 15-16) :

« Marie de Magdala se rendit au tombeau. Nous le tenons nous-même de Jean l’évangéliste que nous avons écouté lorsqu’il proclamait et relatait les prodiges innombrables accomplis par le Seigneur Jésus devant ses disciples, mais cela n’a pas été retranscrit dans ce livre-ci… ».

La plus ancienne représentation de Marie Madeleine au monde
fresque murale retrouvée sur le site de Dura Europos en Syrie, (240 ap JC )

Le livre développe par ailleurs la trahison de Juda et l’intervention au procès de Procula, la femme de Pilate (8, 1-14) qui devient, comme dans plusieurs autres textes apocryphes (cf. Evangile de Nicodème) l’une des premières femmes païennes à se convertir au christianisme (honorée comme sainte dans les Eglises grecques et coptes).

NOTA : les textes utilisés par l’Eglise éthiopienne mettent particulièrement en valeur le rôle de Pierre. Certains apocryphes comme les Actes de Philippe ou le Combat des Apôtres, dans la version copte d’épisodes bien connus de Marie-Madeleine, n’hésitent pas à remplacer cette dernière par Pierre

2. Textes gnostiques

la création d’Adam, chapelle sixtine

Rappel de l’origine de la gnose : Selon la légende, ce serait Simon le magicien présenté dans les Actes des Apôtres (Ac 8, 9) qui serait à l’origine du mouvement gnostique. Mais plus probablement, il s’agirait de Basilide d’Alexandrie vers 130. L’apparition de la gnose donne naissance à la première grande crise doctrinale. Cette crise fut l’occasion de la première affirmation d’une orthodoxie désignée du terme « la Grande Eglise ». Le principal avocat de celle-ci fut saint Irénée de Lyon (vers 180), instruit par saint Polycarpe, lui-même disciple de l’apôtre Jean.

La gnose se préoccupe du salut de l’homme et du monde. Elle place la figure de Jésus-Christ en son centre. Mais elle s’en distingue d’abord par la place qu’elle fait à la connaissance (« gnosis » en grec). L’homme se sauve en étant instruit des secrets de l’univers et non par sa conduite ou par l’amour. Une des idées les plus communes de la gnose consiste à dire que l’annonce des Évangiles telle qu’elle figure dans les écritures canoniques, n’est qu’une adaptation grossière de la vérité destinée au peuple. Par derrière se cache un enseignement secret, plus sophistiqué et plus véridique, réservé à l’usage des initiés (qui se qualifient eux-mêmes de « vrais » chrétiens), ceux-là seuls qui ont accès à la connaissance des mystères sacrés. De la valorisation de la connaissance résulte également l’image d’un Christ qui est d’abord un enseignant, un révélateur des mystères sacrés, à la fois grand initié et initiateur.

L’autre grand trait de la gnose est le dualisme, repris au 3ème siècle par Mani, fondateur de la doctrine « manichéenne ». Valorisant la science et donc l’esprit, la gnose dévalorise la matière. Pour eux, il y aurait non pas un, mais deux dieux en lutte perpétuelle, le Dieu bon, créateur de l’esprit, et le Dieu mauvais, le démiurge, créateur de la matière. Les hommes seraient des purs esprits aujourd’hui prisonniers de la matière, mais dont la destinée, au terme de l’initiation, est d’être intégrée un jour dans le monde purement spirituel. La tentation gnostique constitue une constante de l’histoire du christianisme. Le mouvement cathare, aux 12 et 13ème siècles, est fondé sur l’opposition perpétuelle du Dieu bon, créateur de l’esprit et du principe masculin, du Dieu mauvais, créateur de la matière et du principe féminin. Il dévalorise le corps et l’amour conjugal. Une littérature gnostique à base de secrets initiatiques, d’orientalisme et d’occultisme continue de prospérer. Certaines loges maçonniques ou associations théosophiques s’en nourrissent.

S’opposant à la gnose qu’il tient pour une hérésie, l’enseignement de l’Eglise (catholique, orthodoxe ou protestante) refuse que le message chrétien soit réservé à des initiés. L’Eglise n’a pas de secret. La connaissance des mystères n’est pas une affaire d’intellect mais de cœur; la véritable hiérarchie n’est pas celle de la connaissance mais celle de l’amour et de la sainteté. Cela ne valorise pas l’ignorance : bien au contraire, pour le christianisme, la pauvreté (simplicité) du cœur donne seule l’ouverture requise pour mieux pénétrer les mystères, et c’est l’orgueil qui rend aveugle.

L’ambiguïté de Marie-Madeleine en matière de sexualité est une raison de l’intérêt particulier qu’elle focalise. La gnose considère que la matière n’est qu’apparence, elle n’est que peu destinée pour la sexualité. Elle propose aux âmes d’élite une abstinence totale. Mais on peut comprendre autrement cette doctrine : la sexualité n’ayant aucune importance, qu’importe le dévergondage. Cette ambiguïté de la gnose permet de comprendre l’usage qu’elle a pu faire du personnage de Marie-Madeleine. Au contraire de la gnose, la tradition chrétienne authentique valorise tellement la chair qu’elle en réglemente soigneusement l’usage.

Pistis Sophia : texte gnostique de 354 feuillets écrit au 4e siècle résumant 11 années d’enseignement de Jésus qui suivirent sa résurrection après être retourné chez son père. Jésus, assis au Mont des Oliviers, dialogue avec ses disciples, notamment avec ses Apôtres, Marie sa mère, Marie-Madeleine, Marthe et Salomé ; Philippe, Thomas et Matthieu sont chargés (PS 042) d’écrire les paroles qu’il dira.

Ce compte-rendu allégorique montre la Pistis Sophia (Foi et Sagesse) regardant vers le Haut (le Plérôme supérieur) qui finit par atteindre la Lumière du grand ineffable. Texte obscur et abscons dans lequel la cosmogonie (système de formation de l’univers) se confronte à l’ésotérisme.

Marie-Madeleine tient le premier rôle et Jésus ne tarit pas d’éloges à son égard :

(PS 017) « Marie la bienheureuse, toi que je rendrai parfaite en tous les mystères d’En-Haut, parle librement, ô toi dont le cœur est droit vers le royaume des cieux plus que tous tes frères » ; (PS 019) « Tu es bénie entre toutes les femmes qui sont sur la terre puisque c’est toi qui seras le Plérôme des plérômes (la Plénitude des plénitudes) et la Perfection de toutes les perfections » ; (PS 034) « Marie, la bienheureuse, le Plérôme féminin ou la Plénitude bénie, toi que l’on glorifiera comme la bienheureuse dans toutes les générations ».

Ces compliments répétitifs déclenchent l’hostilité et la jalousie de Pierre qui se rebiffe :

(PS 036) « Mon Seigneur, nous ne pouvons souffrir que cette femme nous enlève notre place et ne laisse parler aucun d’entre nous car elle parle trop souvent ! » Jésus lui répond alors  » Que celui en lequel la vertu de son esprit bouillonnera pour lui faire comprendre ce que je dis, que celui-là s’avance et qu’il parle « .

Aucun disciple ne bénéficiera des compliments que Jésus réserve à Marie-Madeleine ; il les confirmera une nouvelle fois :

(PS 061 et 062) « Marie, la bienheureuse, toi qui hériteras tout le royaume de la lumière »

Les douze repentances de Pistis Sophia aboutissent au fabuleux espoir que laisse Jésus à ceux qui auraient commis tous les péchés

(PS 148) « Ils pourront être sauvés s’ils trouvent le mystère de la lumière »

Le rapprochement de Pistis Sophia avec Marie-Madeleine, dont Jésus avait chassé 7 démons, ne laisse aucun doute.

Evangile selon Marie (-Madeleine) Premier écrit du codex copte de Berlin qui s’accroche au passage de l’Evangile de Jean (Jn 20, 18) où Marie annonce aux disciples « J’ai vu le Seigneur et voilà ce qu’il m’a dit ». Conséquence, en quelque sorte, du privilège accordé par Jésus à celle qu’il aimait plus que les autres disciples, le Seigneur lui ayant alors donné la connaissance parfaite qui lui permettait d’entrer dans le Mystère et d’y introduire les autres. Le texte, bien que lacunaire, distingue deux discours de révélation : d’abord celle du Sauveur au moment de l’Ascension (7,13 – 9, 5), opposant « la nature de la matière » à une nature supérieure, celle du « Bien ». Répondant alors au trouble des apôtres voyant partir Jésus, Marie les rassure en parlant du Sauveur (9, 20) « il nous a fait Homme », expliquant la nécessité d’unir le féminin au masculin pour être sauvé, elle-même ayant déjà accompli cette démarche en étant devenue « Homme ».

« Les disciples étaient dans la peine (9,5) ; ils versèrent bien des larmes disant : « Comment se rendre chez les païens et annoncer l’Evangile du Royaume du Fils de l’Homme ? Ils ne l’ont pas épargné, comment nous épargneraient-ils ? » Alors Marie se leva (9,12), elle les embrassa tous et dit à ses frères : « Ne soyez pas dans la peine et le doute, car sa grâce vous accompagnera et vous protégera : louons plutôt sa grandeur, car Il nous a préparés. Il nous appelle à devenir pleinement humains. » Par ces paroles, Marie tourna leurs cœurs vers le Bien ; ils s’éclairèrent aux paroles du Maître […] Pierre dit à Marie (10,1) : « Sœur, nous savons que le maître t’a aimée différemment des autres femmes. Dis-nous les paroles qu’il t’a dites dont tu te souviens et dont nous n’avons pas la connaissance… » Marie leur dit (10,9) : « Ce qui ne vous a pas été donné d’entendre, je vais vous l’annoncer… » »

Marie enchaîne alors la seconde révélation commençant par narrer une vision de Jésus la saluant (10,10-23) :

« Bienheureuse es-tu, toi qui n’est pas troublée à ma vue… »

Elle développe un enseignement anthropologique composé d’âme (psyché) et d’esprit (pneuma), ainsi que l’intellect (noûs), situé entre les deux, ayant puissance à réunifier l’Homme intérieur et susciter l’union spirituelle avec le Seigneur. Marie dévoile ensuite (15,1 à 17,9), sous la forme d’un voyage vers le monde d’En-Haut, les sept embûches que les puissances mauvaises tentent de dresser devant l’âme qui s’efforce de parvenir à la connaissance.

L’enseignement de Marie suscite une violente réaction d’André (17,10) : « Dites, que pensez-vous de ce qu’elle vient d’affirmer ? Pour ma part, je ne crois pas que le sauveur ait dit cela car, semble-t-il, ces enseignements diffèrent par la pensée ». Exprimant sa vive réserve vis-à-vis des femmes, Pierre renchérit à son tour :

« Est-il possible qu’il se soit entretenu avec une femme en secret, et à notre insu, et non ouvertement si bien que nous devrions, nous, former un cercle et tous l’écouter ? Il l’aurait choisie, de préférence à nous ? » Alors Marie se mit à pleurer (18,1) et dit à Pierre : « Pierre mon frère, que vas-tu donc penser ? Crois-tu que c’est toute seule dans mon cœur que j’ai eu ces pensées ou qu’à propos du Sauveur je mente ? » Lévi répond alors (18,9) : « Pierre, depuis toujours tu es un tempérament bouillant, je te vois maintenant argumenter contre la femme comme un adversaire. Pourtant, si le Sauveur l’a rendu digne, qui es-tu, toi, pour la rejeter ? Sans aucun doute, c’est de manière indéfectible que le Sauveur la connaît. C’est pourquoi il l’a aimée plus que nous. Ayons plutôt honte et revêtons-nous de l’Homme parfait, engendrons-le en nous comme il nous l’a ordonné et proclamons l’Evangile en n’imposant d’autre règle ni d’autre loi que celle qu’a prescrite le Sauveur ».

3. Bibliothèque copte de Nag Hammadi

Bref, comme Marie vraiment devenue Homme, les apôtres doivent faire le même effort de régénération spirituelle.

Sur les 45 livres ou traités découverts à Nag Hammadi, Marie-Madeleine (Marihamm en copte) et les Saintes femmes sont présentes dans plusieurs d’entre eux : l’Evangile selon Thomas, le Dialogue du Sauveur, l’Evangile selon Philippe, la Sagesse de Jésus-Christ et quelques autres moins importants.

Evangile selon Thomas : recueil de paroles sapientielles ou énigmatiques de Jésus (114 logia) probablement écrit en Syrie orientale autour des 1er et 2e s. Le manuscrit copte de Nag Hammadi est l’unique version intégrale. Marie-Madeleine (Mariam) intervient deux fois :- Logion 21, 1-11 : Mariam dit à Jésus « A qui ressemblent tes disciples ? ». L’enseignement de Jésus qui s’en suit ramène à la parabole du voleur de Mt 24,42-44 ou Lc 12,39-40, et à celle du grain qui pousse seul de Mc 4,29.- Logion 114, 1-3 qui nous ramène directement à l’Evangile selon Marie où chacun est appelé à devenir « mâle » pour se manifester comme Esprit vivant :

Simon-Pierre leur dit : »Que Mariam sorte de parmi nous car les femmes ne sont pas dignes de la vie ». Jésus dit : » Voici, moi je vais la guider afin de la faire mâle, en sorte qu’elle devienne, elle-aussi, un esprit vivant semblable à vous mâles car toute femme qui se fera mâle entrera dans le Royaume des cieux ».

Evangile selon Philippe : le manuscrit copte bien conservé de Nag Hammadi, en usage au 4e s., est le seul témoin de ce texte (aucun fragment grec n’a été découvert). Il ouvre une fenêtre importante sur le sacramentaire gnostique mal connu (importants développements sur le baptême, l’onction, l’eucharistie, le baiser mutuel, etc. ; Marie-Madeleine y apparaît plusieurs fois.

(59,6-9) Trois femmes étaient proches de Jésus : Marie sa mère, Marie la sœur de sa mère et Marie-Madeleine qu’on appelait sa compagne. (63,35) « Quant à Marie-Madeleine, le Sauveur l’aimait plus que tous les disciples et il l’embrassait sur la bouche souvent » ;

Ce texte est en fait à double sens : le baiser sur la bouche dans certaines sectes gnostiques n’a pas de signification amoureuse : il désigne, comme l’accolade, la fraternité des initiés. C’est un signe de communion et de régénération spirituelle, comme Jésus le faisait, dans un autre texte, également pour Jacques.

Ils lui dirent (64,4-5) :

« Pourquoi l’aimes-tu plus que nous tous ? » Le Sauveur répondit et leur dit : »Pourquoi ne vous aimé-je pas comme elle ? »

Sagesse de Jésus-Christ et Dialogue du Sauveur : deux manuscrits dans lesquels Marie-Madeleine dialogue avec Jésus et des apôtres, notamment Thomas et Matthieu. Elle pose des questions mais n’intervient jamais concrètement. Le texte aboutit à un détournement de l’Evangile de Matthieu lors de l’émergence des premiers mouvements gnostiques. Jésus la loue souvent plus que Thomas et Matthieu :

« Elle a dit cette parole comme une femme qui a compris le Tout » (139,12-13).