Le décret du pape François


  « APÔTRE DES APÔTRES ET TÉMOINS DE LA MISÉRICORDE »

  1. « APÔTRE DES APÔTRES et TÉMOIN DE LA MISÉRICORDE » – Decret par lequel la célébration de Sainte Marie Madeleine est élevée au rang de fête. Explications (Mgr Arthur Roche) (3 juin 2016)
  2. Catéchèse du pape François (Audience générale du 17 mai 2017)

Décret par lequel la célébration de Sainte Marie Madeleine est élevée au rang de fête. Explication (Mgr Arthur Roche) (3 juin 2016)

Selon le désir exprès du Saint-Père François, la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements a rendu public un nouveau décret, daté du 3 juin 2016, solennité du Sacré Cœur de Jésus, par lequel la célébration de Sainte Marie Madeleine, actuellement mémoire obligatoire, sera élevée dans le Calendrier Romain Général au rang de fête.

La décision s’inscrit dans le contexte ecclésial actuel, qui demande de réfléchir plus profondément sur la dignité de la femme, sur la nouvelle évangélisation et sur la grandeur du mystère de la miséricorde divine. C’est saint Jean Paul II qui a porté une grande attention non seulement à l’importance des femmes dans la mission même du Christ et de l’Eglise, mais aussi, et avec un accent spécial, à la fonction particulière de Marie de Magdala comme premier témoin qui a vu le Ressuscité, et première messagère qui a annoncé aux apôtres la résurrection du Seigneur (cf. Mulieris dignitatem, n. 16). Cette importance continue aujourd’hui dans l’Eglise – comme le manifeste l’engagement actuel pour une nouvelle évangélisation – qui veut accueillir, sans aucune distinction, hommes et femmes de toute race, peuple, langue et nation (cf. Ap 5,9), pour leur annoncer la bonne nouvelle de l’Evangile de Jésus-Christ, pour les accompagner dans leur pèlerinage terrestre et leur offrir les merveilles du salut de Dieu. Sainte Marie Madeleine est un exemple d’évangélisatrice vraie et authentique, c’est-à-dire, une évangéliste qui annonce le joyeux message central de Pâques (cf. Collecte du 22 juillet et nouvelle préface).

Le Saint-Père François a pris cette décision justement dans le contexte du Jubilé de la Miséricorde pour signifier l’importance de cette femme qui a démontré un grand amour pour le Christ et fut par lui tellement aimée, comme l’affirme Raban Maur en parlant d’elle (« dilectrix Christi et a Christo plurimum dilecta » : De vita beatœ Mariœ Magdalenœ, Prologus) ainsi que saint Anselme de Cantorbéry («electa dilectrix et dilecta electrix Dei» : Oratio LXXIII ad sanctam Mariam Magdalenam). Il est certain que la tradition ecclésiale en Occident, surtout après saint Grégoire le Grand, identifie dans la même personne: Marie de Magdala, ainsi que la femme qui a versé le parfum dans la maison de Simon le pharisien, et la sœur de Lazare et de Marthe. Cette interprétation s’est maintenue et a eu une influence chez les auteurs ecclésiastiques occidentaux, dans l’art chrétien et dans les textes liturgiques relatifs à la Sainte. Les Bollandistes ont amplement exposé le problème de l’identification des trois femmes et ont préparé la voie pour la réforme liturgique du Calendrier Romain. Avec la mise en œuvre de la réforme liturgique, les textes du Missale Romanum, de la Liturgia Horarum et du Martyrologium Romanum se réfèrent à Marie de Magdala. Il est certain que Marie Madeleine a fait partie du groupe des disciples de Jésus, elle l’a suivi jusqu’au pied de la croix et, dans le jardin où se trouvait le sépulcre, elle fut le premier « témoin de la miséricorde divine » (Grégoire le Grand, XL Hom. In Evangelia, lib. II, Hom. 25,10). L’Evangile de Jean raconte que Marie Madeleine pleurait, parce qu’elle n’avait pas trouvé le corps du Seigneur (cf. Jn 20, 11); et Jésus a eu de la miséricorde envers elle en se faisant reconnaître comme le Maître et en transformant ses larmes en joie pascale.

En profitant de cette opportune circonstance, je désire mettre en évidence deux idées relatives aux textes bibliques et liturgiques de cette nouvelle fête, qui peuvent nous aider à mieux comprendre l’importance pour aujourd’hui d’une telle Sainte femme.

D’un côté, elle a l’honneur d’être la « prima testis » de la résurrection du Seigneur (Hymnus, Ad Laudes matutinas), la première à voir le sépulcre vide et la première à écouter la vérité de sa résurrection. Le Christ a une spéciale considération et miséricorde pour cette femme, qui manifeste son amour envers Lui, en le cherchant dans le jardin avec angoisse et souffrance, avec des « lacrimas humilitatis », comme dit Saint Anselme dans la prière que nous avons citée. A ce propos, je désire souligner le contraste entre les deux femmes présentes dans le jardin du paradis et dans le jardin de la résurrection. La première a propagé la mort là où était la vie ; la seconde a annoncé la Vie à partir d’un sépulcre, lieu de la mort. C’est ce que fait observer Grégoire le Grand : «Quia in paradiso mulier viro propinavit mortem, a sepulcro mulier viris annuntiat vitam» (XL Hom. In Evangelia, lib. H, Hom. 25). De plus, c’est justement dans le jardin de la résurrection où le Seigneur dit à Marie Madeleine: « Noli me tangere ». C’est une invitation adressée non seulement à Marie, mais aussi à toute l’Eglise, pour entrer dans une expérience de foi qui surpasse toute appropriation matérialiste et toute compréhension humaine du mystère divin. Elle a une portée ecclésiale ! C’est une bonne leçon pour chaque disciple de Jésus : ne pas rechercher des sécurités humaines et des titres mondains, mais la foi au Christ Vivant et Ressuscité !

Justement parce qu’elle a été témoin oculaire du Christ Ressuscité, elle a été aussi, d’un autre côté, la première à en donner le témoignage devant les apôtres. Elle accompli la mission que lui a donné le Ressuscité : « Va trouver mes frères pour leur dire … Marie Madeleine s’en va donc annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur ! », et elle raconta ce qu’il lui avait dit (Jn 20,17-18). De cette manière elle devient, comme on a déjà noté, évangéliste, c’est-à-dire messagère qui annonce la bonne nouvelle de la résurrection du Seigneur ; ou comme disaient Raban Maur et saint Thomas d’Aquin, « apostolorum apostola », puisqu’elle annonce aux apôtres ce que, à leur tour, ils annonceront au monde entier (cf. Raban Maur, De vita beatœ Mariœ Magdalenœ, c. XXVII; S. Thomas d’Aquin, In Ioannem Evangelistam Expositio, c. XX, L. III, 6). C’est avec raison que le Docteur Angélique utilise cette parole en l’appliquant à Marie Madeleine: elle est le témoin du Christ Ressuscité et elle annonce le message de la résurrection du Seigneur, comme les autres Apôtres. C’est pourquoi il est juste que la célébration liturgique de cette femme ait le même degré de fête que celui qui est donné à la célébration des apôtres dans le Calendrier Romain Général et que soit mise en évidence la mission de cette femme, qui est un exemple et un modèle pour toute femme dans l’Eglise.

* Arthur Roche, Archevêque Secrétaire de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements


Le préfet de la Congrégation du culte divin et de la discipline des sacrements, le cardinal Robert Sarah, a signé le 3 juin 2016 le décret qui élève au rang de fête la célébration de la mémoire de sainte Marie Madeleine à la date du 22 juillet. Il s’agit d’une décision du pape François qui veut pousser l’Église à « réfléchir de façon plus profonde sur la dignité de la femme, la nouvelle évangélisation et la grandeur du mystère de la miséricorde divine ». Comme le souligne Mgr Arthur Roche, dans un article à paraître dans l’Osservatore Romano, la nouvelle fête met en avant « l’exemple de vraie et authentique évangélisatrice » que représente Marie de Magdala à Pâques.

DÉCRET (traduction du latin)

L’Église, que ce soit en Occident ou en Orient, a toujours réservé la plus grande considération à sainte Marie-Madeleine, premier témoin et évangéliste de la Résurrection du Seigneur, et ainsi elle a été célébrée, quoiqu’en des manières différentes.

De nos jours, où l’Église est appelée à réfléchir de manière plus profonde sur la dignité de la femme, sur la nouvelle évangélisation et sur la grandeur du mystère de la miséricorde divine, il a semblé que ce serait une bonne chose aussi que l’exemple de sainte Marie-Madeleine soit proposé aux fidèles d’une manière plus convenable. En effet, cette femme, connue comme celle qui a aimé le Christ et qui a été beaucoup aimée par le Christ, elle qui est appelée par saint Grégoire le Grand « témoin de la miséricorde divine » et par saint Thomas d’Aquin « l’apôtre des apôtres », peut être reconnue par les fidèles de ce temps comme un modèle de service des femmes dans l’Église.

C’est pourquoi le Souverain Pontife François a décidé que la célébration de sainte Marie-Madeleine, à partir de maintenant, soit inscrite dans le calendrier romain général avec le degré de fête au lieu de mémoire, comme elle l’est actuellement. Ce nouveau degré ne comporte aucune variation quant au jour de la célébration elle-même et aux textes du Missel et de la Liturgie des Heures à utiliser, c’est-à-dire :

a)     le jour dédié à la célébration de sainte Marie-Madeleine demeure le 22 juillet, comme on le trouve dans le calendrier romain ;

b)     les textes à utiliser pour la messe et l’office divin demeurent les mêmes qui sont contenus dans le Missel et la Liturgie des Heures au jour indiqué, en ajoutant au Missel romain la préface propre, en pièce jointe à ce décret. Il appartiendra aux conférences épiscopales de traduire le texte de la préface dans la langue vernaculaire, de sorte que, une fois obtenue l’approbation du Siège apostolique, elle puisse être utilisée et, en temps voulu, être insérée dans la prochaine réimpression du Missel romain.

Là où sainte Marie-Madeleine, selon le droit particulier, est célébrée légitimement en un jour et avec un degré différents, elle continuera à être célébrée à l’avenir au même jour et degré qu’elle a eu jusqu’à présent. Nonobstant toute chose contraire.

De la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements,
le 3 juin 2016, solennité du Sacré-Cœur de Jésus.

Cardinal Robert Sarah, préfet
Monseigneur Arthur Roche, secrétaire


Audience Générale du 17 mai 2017 du pape François

Ces dernières semaines, notre réflexion se déroule,pour ainsi dire, dans l’orbite du mystère pascal. Nous rencontrons aujourd’hui celle qui la première, selon les Evangiles, vit Jésus ressuscité: Marie Madeleine. Le repos du samedi s’était conclu depuis peu. Le jour de la passion, il n’y avait pas eu le temps de terminer les rites funèbres; c’est pourquoi, en cette aube pleine de tristesse, les femmes se rendent à la tombe de Jésus avec les onguents parfumés. C’est elle qui arrive la première: Marie de Magdala, l’une des disciples qui avaient accompagné Jésus jusqu’en Galilée, se mettant au service de l’Eglise naissante. Dans son trajet vers le sépulcre se reflète la fidélité de tant de femmes qui fréquentent pendant tant d’années les allées des cimetières, en souvenir de quelqu’un qui n’est plus là. Pas même la mort ne brise les liens les plus authentiques: certaines personnes continuent à aimer, même si la personne aimée s’en est allée pour toujours.

L’Evangile (cf. Jn20, 1-2.11-18) décrit Madeleine, en soulignant immédiatement que ce n’était pas une femme qui s’enthousiasmait facilement. En effet, après la première visite au sépulcre, elle revient déçue dans le lieu où les disciples se cachaient; elle rapporte que la pierre a été déplacée de l’entrée du sépulcre, et sa première hypothèse est la plus simple que l’on puisse formuler: quelqu’un doit avoir fait disparaître le corps de Jésus. Ainsi, la première annonce que Marie apporte n’est pas celle de la résurrection, mais d’un vol que des inconnus ont commis, alors que Jérusalem tout entière dormait.

Les Evangiles racontent ensuite un deuxième voyage de Madeleine vers le sépulcre de Jésus. Elle était têtue! Elle est allée, elle est revenue… parce qu’elle n’était pas convaincue! Cette fois, son pas est lent, très lourd. Marie souffre doublement: tout d’abord de la mort de Jésus, et ensuite, de la disparition inexplicable de son corps.

C’est alors qu’elle est penchée près de la tombe, les yeux remplis de larmes, que Dieu la surprend de la manière la plus inattendue. L’évangéliste Jean souligne combien son aveuglement est persistant: elle ne s’aperçoit pas de la présence de deux anges qui l’interrogent, elle n’a aucun soupçon en voyant l’homme derrière elle, qu’elle pense être le gardien du jardin. Et en revanche, elle découvre l’événement le plus bouleversant de l’histoire humaine lorsque finalement elle est appelée par son nom: «Marie!» (v. 16).

Comme il est beau de penser que la première apparition du Ressuscité — selon les Evangiles — a eu lieu d’une manière aussi personnelle! Il y a quelqu’un qui nous connaît, qui voit notre souffrance et notre déception, et qui s’émeut pour nous et nous appelle par notre nom. C’est une loi que nous trouvons gravée dans beaucoup de pages de l’Evangile. Autour de Jésus se trouvent de nombreuses personnes qui cherchent Dieu; mais la réalité la plus prodigieuse est que, bien avant, c’est tout d’abord Dieu qui se préoccupe pour notre vie, qui veut la relever, et pour ce faire, il nous appelle par notre nom, en reconnaissant le visage personnel de chacun. Chaque homme est une histoire d’amour que Dieu écrit sur cette terre. Chacun de nous est une histoire d’amour de Dieu. Dieu appelle chacun de nous par son propre nom: il nous connaît par notre nom, il nous regarde, il nous attend, il nous pardonne, il a de la patience avec nous. Est-ce vrai ou n’est-ce pas vrai? Chacun de nous fait cette expérience.

Et Jésus l’appelle: «Marie!»: la révolution de sa vie, la révolution destinée à transformer l’existence de chaque homme et femme, commence par un nom qui retentit dans le jardin du sépulcre vide. Les Evangiles nous décrivent le bonheur de Marie: la résurrection de Jésus n’est pas une joie donnée au compte-goutte, mais une cascade qui renverse toute la vie. L’existence chrétienne n’est pas tissée de doux bonheurs, mais de vagues qui emportent tout. Essayez de penser vous aussi, en cet instant, avec le bagage de déceptions, et d’échecs que chacun de nous porte dans son cœur, qu’il y a un Dieu proche de nous qui nous appelle par notre nom et nous dit: «Relève-toi, arrête de pleurer, car je suis venu te libérer!». Cela est beau.

Jésus n’est pas quelqu’un qui s’adapte au monde, en tolérant que dans celui-ci se poursuivent la mort, la tristesse, la haine, la destruction morale des personnes… Notre Dieu n’est pas inerte, mais notre Dieu — je me permets le mot — est un rêveur: il rêve de la transformation du monde, et il l’a réalisée dans le mystère de la Résurrection.

Marie voudrait embrasser son Seigneur, mais Lui est désormais tourné vers le Père céleste, alors qu’elle est invitée à apporter l’annonce à ses frères. Et ainsi, cette femme qui, avant de rencontrer Jésus, était en proie au malin (cf. Le 8, 2), est à présent devenue apôtre de la nouvelle et plus grande espérance. Que son intercession nous aide à vivre nous aussi cette expérience: à l’heure des pleurs, et à l’heure de l’abandon, entendre Jésus Ressuscité qui nous appelle par notre nom, et avec le cœur plein de joie aller annoncer: «J’ai vu le Seigneur!» (v. 18). J’ai changé de vie parce que j’ai vu le Seigneur! A présent, je suis différent d’avant, je suis une autre personne. J’ai changé parce que j’ai vu le Seigneur. Cela est notre force et cela est notre espérance. Merci.